samedi 30 juillet 2005

FOI ET PRATIQUE RELIGIEUSE

Si la pratique religieuse a diminué de façon drastique au cours des dernières décennies, l’intérêt pour la foi et tout ce qui l’interpelle demeure encore bien vivant. Pour s’en rendre compte il suffit de lire les journaux ou encore de faire le relevé des publications qui traitent directement des questions reliées à la foi et à la vie de l’Église. Les débats soulèvent les passions et mettent en évidence les contradictions que nous, les croyants et pratiquants, portons quelque part en chacun de nous. Le démon du pharisaïsme nous guette d’autant plus que l’opinion que nous nous faisons de nous-mêmes en est une de perfection.

Pour ne faire référence qu’au dernier quart de siècle, nous n’avons qu’à penser aux débats auxquels ont donné lieu la « théologie de la libération », ou encore à ceux portant sur le mariage des prêtres ou l’ordinations des femmes. Que dire des campagnes menées par les plus hautes autorités ecclésiales contre le mariage des personnes de même sexe et de l’opposition plus ou moins mobilisatrice de ces mêmes autorités contre la guerre en Irak? À cela s’ajoute évidemment la présence de plus en plus forte de certaines organisations, tels l’OPUS DEI et ses dérivés, qui s’imposent à divers niveaux de l’exercice de l’autorité ecclésiale.

Ces débats et remises en question qui ne sont pas sans préoccuper ceux et celles qui s’accommodent bien de la situation prédominante de l’Église actuelle, demeurent une bénédiction du ciel pour les autres. Ils permettent à la manière d’un bon orage de nettoyer les sentiers et de ramener à l’essentiel. De plus en plus de croyants « non pratiquants » reprennent contact avec les Évangiles, la vie de Jésus de Nazareth et la vie des premiers chrétiens. Ils s’approprient le message de la foi chrétienne et prennent de plus en plus la parole non pas comme des étrangers mais comme des membres vivants de la communauté de foi. Si l’Église revêt une certaine importance, cette dernière est entièrement subordonnée et fonction de l’Évangile et de la Bonne nouvelle apportée par le Christ. Je me permets de citer ici un extrait d’une conférence de carême donnée à Notre-dame de Paris, en 2001, par nul autre que celui qui est devenu par la suite Benoît XVI :

« (...) Une Eglise qui ne serait que l'appareil qui se dirige lui-même serait une caricature d'Eglise. Tant qu'elle tournera autour d'elle-même et qu'elle ne regardera que les buts à poursuivre pour sa survie, elle sera superflue et dépérira, même si elle dispose de grands moyens et qu'on la «manage» habilement. Elle ne peut vivre et fructifier que si la primauté de Dieu est vivante en elle. (...) »

Cette primauté de Dieu, c’est justement la primauté de Jésus de Nazareth, de son témoignage de vie, de son message et de sa présence ressuscitée au cœur de l’Humanité. Toutes les questions débattues dans le cadre de l’institution ecclésiale de plus en plus encombrée par ses idéologies, ses règlements, ses certitudes, ses coutumes, ses alliances, trouveraient un traitement tout autre si elles étaient débattues dans le cadre du message évangélique et en fonction du monde d’aujourd’hui.

Vatican II a dépoussiéré les Évangiles et rappelé que le Christ Ressuscité ainsi que l’Esprit étaient toujours la Tête et l’Âme de l’Église. Il a confirmé que les croyants participaient pleinement au sacerdoce royale et prophétique et que les dons et les fonctions étaient distribués de manière à ce que le corps fonctionne harmonieusement. Le temps est peut-être venu de laisser la parole à ce sacerdoce royale et prophétique non pas pour le censurer mais pour l’écouter et y discerner l’Esprit qui le porte. Le monopole réclamé par les autorités hiérarchiques devient maintenant partagé par tous les croyants qui se réclament de la foi en Jésus de Nazareth.

Oscar Fortin

vendredi 22 juillet 2005

CONDAMNATIONS DU VATICAN: FOI OU IDÉOLOGIES ?

Le Vatican vient de condamner la décision du gouvernement canadien dans la définition qu’il donne du mariage incluant les personnes de même sexe. Cette condamnation s’ajoute à toutes les autres exprimées au cours des dernières années sur divers sujets. C’est évidemment un signal à prendre en considération dans notre réflexion sur certaines questions. Il est toutefois important de discerner ce qui les alimentent et les motivent. Elles ne reçoivent pas toutes le même appui de la part de ceux-là mêmes qui se réclament de cette autorité.

Qui ne se souvient de cette condamnation du regretté Pape Jean-Paul II portant sur l’invasion de l’Irak ? Cette opposition ferme de la part de la plus haute autorité de l’Église, secondée en cela par l’ONU elle-même, n’a toutefois pas retenu l’élan de la catholique Espagne, pas plus que celui de la catholique Italie de se joindre à la chrétienne Amérique. pour passer outre à cette condamnation. Bien des prélats de la chrétienté dans ces pays et un peu partout dans le monde se sont fait discrets et très peu ont pris le flambeau des opposants pour retenir ces forces qui allaient, à l’encontre du droit international, semer la terreur et la mort chez des dizaines de milliers d’humains innocents.

L’indifférence des plus hautes autorités politiques des pays mentionnés devant cette prise de position n’a toutefois pas empêché le Pape Jean-Paul II de recevoir, au début de la présente année, des mains du Président Bush lui-même, premier responsable de la guerre en Irak, la médaille de la liberté. De quoi faire réfléchir sur la portée des interdictions et, dans le cas présent, sur le sens à donner à la liberté qui nous vient non pas des puissants de ce monde, mais du Christ ressuscité. http://humanisme.over-blog.com/article-139111.html

J’ose espérer que le Vatican et l’ensemble de l’institution ecclésiale s’engageront, dans les mois qui viennent, avec toute l’énergie et les ressources dont ils sont capables dans cette autre lutte, autrement plus importante, contre toutes les formes de violence et de terrorisme qui affectent des millions d’humains un peu partout sur la planète. Ainsi, l’Église institutionnelle et avec elle toute la chrétienté retrouveront le sens de la catholicité ouverte à tous les humains de la terre et prendront leur distance des idéologies dominantes au milieu desquelles elles évoluent. Seul un discours courageux et sans peur leur permettra de dénoncer les mille et un visages du terrorisme et de la violence qui tuent l’humain et les humains un peu partout sur la planète. Le « n’ayez pas peur » de la foi et le « courage de dire ce que l’Évangile demande de dire aux grands et aux puissants de ce monde» trouveront alors toute leur signification prophétique.

Ainsi, l’Église rejoindra de nouveau toute personne de bonne volonté et deviendra source d’espérance d’un royaume placé sous le signe de la justice, de la vérité, de la vie et du respect de tous et de toutes. Elle deviendra une lumière vivante et signifiante pour l’humanité toute entière. Le « mon Royaume n’est pas de ce monde » prendra alors tout son sens.
Oscar Fortin
http://humanisme.over-blog.com

jeudi 14 juillet 2005

LE CARDINAL OUELLET CHEZ LES SÉNATEURS

On ne peut reprocher au Cardinal de manquer d’initiatives dans son opposition à la loi reconnaissant l’égalité des personnes dans leur droit de se marier en toute légalité, indépendamment de leur sexe. Dès le début de ce débat, l’Institution ecclésiale s’est mobilisée, les troupes se sont mises en marches et diverses initiatives ont été lancées. Des lettres ont été expédiées aux députés et ministres, pendant que divers lobbys s’activaient auprès des décideurs. Les déclarations de certains membres de l’Épiscopat et de façon particulière celles du Cardinal ont reçu une ample couverture. Une mobilisation rarement vue. Même l’opposition à la guerre en Irak n’avait pas donné lieu à une telle mobilisation.

J’ai eu l’occasion de réagir à certaines de ces déclarations. La plus importante faisait suite à la lettre du Cardinal que les principaux journaux du pays publiaient en février dernier. Dans son intervention l’Archevêque de Québec y développait des arguments de doctrine tout en attirant l’attention sur les effets dévastateurs d’une telle loi sur la famille et la société dans son ensemble. Dans mon intervention, Questions à l’Archevêque de Québec, restée sans réponse, je reprenais les arguments de doctrine à la lumière de Vatican II et je dédramatisais les effets dévastateurs d’une modification de la loi sur le mariage. http://humanisme.over-blog.com/article-139169.html . Je privilégiais l’approche pastorale.

Depuis ce temps, les Parlementaires ont voté la loi que le Sénat a maintenant la responsabilité de formaliser. Ne se donnant pas pour vaincu, le Cardinal s’est rendu tout récemment à Ottawa pour présenter un Mémoire aux Sénateurs, les invitant à ne pas donner suite à cette loi. À en croire les communiqués de presse, l’argumentaire du Cardinal Ouellet et de ceux qui l’accompagnaient portait, cette fois, sur la menace que constituerait cette loi à la liberté de religion. En d’autres mots la reconnaissance du mariage de personnes de même sexe menacerait la liberté de religion. « Les prêtres n’osent plus parler clairement pour ne pas se faire accuser d’homophobie… même de la chair on se sent menacer. » C’est là un bien drôle de raisonnement de la part de Pasteurs qui ont hérité de Jésus de Nazareth la liberté qui vient non pas des hommes mais de Dieu. Serait-ce que cette liberté qu’apporte la foi, ce don de Dieu à l’origine de tant de martyrs qui sillonnent l’histoire de l’Église, serait elle-même menacée par la reconnaissance du droit des personnes de même sexe de se marier et de vivre leur amour au même titre que toutes les autres personnes ? C’est là un argument qui a de quoi laisser songeur.

Si certains prêtres n’osent plus parler clairement est-ce par manque de courage pour affronter les épithètes de tout genre ou est-ce parce que le discours de l’Église sur la sexualité ne les convainc plus beaucoup et demande à être repensé ? Le « n’ayez pas peur » de Jean-Paul II ou « le courage de dire ce que l’on pense » auquel se réfère l’Archevêque ne s’adresse pas seulement à ceux et celles qui pensent comme eux, mais aussi à ceux et celles qui pensent différemment. Pour ma part, je fais miens ces mots d’ordre qui me permettent justement de réagir, au nom de la foi, comme je le fais présentement.

Tout ce débat ne met-il pas en évidence la nécessité pour les autorités ecclésiales de revoir la sexualité sous un angle nouveau et pour les églises de revoir leurs relations avec ce monde en profonde mutation. Le Père qui peut de ces pierres faire des fils à Abraham saura naviguer dans ces eaux troubles avec beaucoup de calme et un grand amour pour tous. Il trouvera sûrement le moyen d’apporter à tous le salut promis.

Avec tout le respect que la fonction de mon Archevêque m’inspire, mais aussi avec toute la liberté que ma foi me donne, je m’inscris en faux contre une conception de la liberté de religion qui ne saurait assumer pleinement le respect du droit des autres. Jésus de Nazareth a passé plus de temps à nous dépouiller de nos hypocrisies, à nous rendre plus près de notre prochain, à être plus indulgents les uns à l’endroit des autres, à travailler solidairement pour un monde à la recherche de justice et de paix qu’à nous parler de morale sexuelle. Les quelques fois où il en a parlé c’était le plus souvent pour répondre à des questions pièges que les pharisiens lui posaient.

Oscar Fortin