lundi 24 novembre 2008

VENEZUELA: UNE DÉMOCRATIE BIEN VIVANTE



Un peuple qui prend le chemin des urnes à plus de 65% de participation et qui indique dans le secret de son bulletin de vote le meilleur pour lui, sa famille et son pays est un peuple libre et démocratique. Il le sera d’autant plus qu’il aura l’assurance que son vote sera traité à l’abri de la fraude et respecté par tous les intervenants. C’est l’exercice auquel a été convié le peuple vénézuélien en ce 23 novembre 2008.

Les résultats transmis par le Conseil national électoral (CNE), tout en confirmant une victoire sans équivoque du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV), indique que l’opposition a fait des gains importants dans certaines municipalités et départements et que le PSUV au pouvoir a fait certains autres gains tout en augmentant le pourcentage de ceux et celles qui votèrent pour lui.

Un exercice de démocratie exemplaire qui démontre que rien n’est déterminé ni décidé à l’avance. C’est là quelque chose dont il faut rendre hommage au Président Chavez. Jamais, de toute son histoire « démocratique », le peuple ne s’était présenté aux urnes en nombre aussi élevé. Jamais, un système de votation et de compilation des résultats, n’avait été aussi sécurisé et respectueux de la volonté des électeurs. Bien des pays, y compris les États-Unis et le Canada, auraient à apprendre de ces outils mis au service de la démocratie. Si la fraude électorale est un virus difficilement tuable, elle peut, par contre, avoir des contraintes qui lui rendent la survie plus compliquée.

Si le CNE a le contrôle sur l’ensemble des infrastructures mis en place pour le jour de la votation, il a peu de prise sur l’information ou la désinformation dont se font les protagonistes des médias de communication tout au long de la campagne électorale. Son autorité se ramène aux règles qu’elle se doit de faire respecter pour la semaine précédant la votation. Durant cette semaine, l’électeur et l’électrices sont laissés à eux-mêmes pour peser le pour et le contre d’une information qui leur a été présentée tout au long de la campagne électorale. Dans pareil contexte, il est évident que ceux et celles qui disposent des moyens de communications les plus développés et les plus accessibles au peuple auront une influence considérable sur la formation de l’opinion de l’électeur et de l’électrice. Tous savent, qu’au Venezuela, les médias sous contrôle des forces de l’opposition sont nombreux et très puissants. Il est vrai que le PSUV a également développé des moyens pour rejoindre le plus possible la population. Il faut, toutefois, admettre qu’il ne parvient pas toujours à contrer la désinformation transmise par les autres médias. Le peuple ne s’y retrouve pas toujours. Beaucoup de confusion rend parfois la démocratie plus difficile à vivre dans un climat de vérité.

Il faut espérer qu’un peuple de plus en plus scolarisé et participatif à la vie politique en arrivera à s’immuniser contre ces virus de la désinformation et de la manipulation. Il saura apprécier par les réalisations et leurs engagements envers la santé, l’éducation, la qualité de vie et la solidarité humaine ceux et celles qui se présenteront pour les représenter. Les résultats de la présente élection sont un bon indice d’une maturité croissante de l’électorat vénézuélien.

Oscar Fortin
Québec, 24 novembre 2008

vendredi 14 novembre 2008

SYNODE DES ÉVÊQUES 2008: OÙ ÉTAIENT DONC NOS PROPHÈTES


La lecture de la déclaration finale de cette importante assemblée des Évêques, sous la présidence du pape Benoît XVI, en octobre dernier, m’inspire quelques commentaires que je souhaite partager avec vous tous. Je ne m’attarderai qu’à quelques points qui m’apparaissent particulièrement significatifs et d’une importance doctrinale de nature à modifier la compréhension même du christianisme et de l’institution qui en témoigne.


1 Ma première observation porte sur cette Voix de Dieu qui sort du néant la création et « qui descend ensuite dans les pages des Saintes Écritures que nous lisons à présent au sein de l'Église sous la conduite de l'Esprit Saint qui a été donné comme lumière de vérité à l'Église et à ses pasteurs. »


Sur ce dernier point, je suis particulièrement étonné que l’on ne relève pas l’importance tout à fait déterminante de la Parole portée par les PROPHÈTES qui viennent rappeler, à temps et à contre temps, aux rois et aux prêtres, le sens à donner à l’alliance qui unit Dieu à son peuple. Ils appartiennent à une catégorie à part dans la vie de la foi. Ils échappent, par ce qu’ils ont à dire, à l’autorité des grands prêtres et des rois. Ils sont des messagers qui tirent leur parole de la bouche même de Dieu.


Ce rappel du rôle des prophètes dans la révélation de cette VOIX qui vient à nous eût été d’autant plus important que l’apôtre Paul en fait une des deux fondations sur lesquelles s’édifie l’Église.


« Vous êtes intégrés dans la construction dont les fondations sont les apôtres et les prophètes, et la pierre d'angle Jésus-Christ lui-même. C'est lui qui assure la solidité de toute la construction et la fait s'élever pour former un temple saint consacré au Seigneur. » (Ép. 2,20-21)


Une Église qui s’édifierait en écartant, entre autres, la voix de ses prophètes comme porteuse, elle aussi, de la lumière de vérité risquerait de crouler rapidement sous le poids de ses ambitions, de ses cultes, de ses compromis et de la nomenclature de ses institutions. S’il y a les pasteurs, il y a également les prophètes.


2 Ma seconde observation, beaucoup plus à incidence doctrinale, vient de cette affirmation surprenante de la part des membres du Synode parlant de Jésus: « C'est lui qui fait du Christianisme une religion centrée sur une personne, Jésus Christ, révélateur du Père. »
Cette affirmation comporte au moins deux éléments qui, à ne pas être clarifiés, prêtent à confusion sur des questions fondamentales.


2.1 D’abord, dire que Jésus est venu créer une nouvelle religion, c’est donner à sa mission un sens qui ne ressort pas tellement des Évangiles. Ces derniers font plutôt ressortir ce que sont les véritables bases des relations qui doivent exister entre les humains : la justice, la vérité, l’amour, la solidarité, la miséricorde, l’ouverture d’esprit. Le véritable culte, celui qui plait à Jésus et à son Père, c’est l’amour que nous aurons les uns pour les autres. Déjà, le prophète Osée avait précisé cette situation aux prêtres et aux rois de son temps :


« Que te ferai-je, Éphraïm ? Que te ferai-je, Juda ? Car votre amour est comme la nuée du matin, comme la rosée qui tôt se dissipe. Or c'est l'amour qui dure qui me plaît et non les sacrifices, c’est la connaissance de Dieu plutôt que les holocaustes. (Os. 6,4-6)

À peu près tous les prophètes ont fait des rappels à ceux qui transformaient l’intervention de Dieu en des cultes de toute sorte. Isaïe y va également sans retenue en donnant à Yahvé ces paroles :

« Cessez d'apporter de vaines offrandes : J'ai en horreur l'encens, Les nouvelles lunes, les sabbats et les assemblées ; Je ne puis voir le crime s'associer aux solennités. Quand vous étendez vos mains, je détourne de vous mes yeux ; Quand vous multipliez les prières, je n'écoute pas : Vos mains sont pleines de sang. Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, Protégez l'opprimé ; Faites droit à l'orphelin, Défendez la veuve. (Is.1, 13-17)

Jésus, dans le témoignage de sa vie, poursuit dans cette même direction. Il rappelle que l’homme n’est pas fait pour le sabbat, mais le sabbat pour l’homme. Il invective les docteurs de la loi, les pharisiens et les grands prêtres leur reprochant de mettre sur les épaules des autres des fardeaux qu’ils ne peuvent porter eux-mêmes. Il précise enfin les vrais comportements qui seront pris en compte au jugement dernier : qu’as-tu fait pour ton frère malade, prisonnier, affamé ? La religion, s’il y en a une qui ressort, est celle qui s’inscrit dans tous ces efforts qui conduisent l’humanité à être plus humaine, en étant plus juste, plus vraie, plus solidaire, plus indulgente, plus unie dans l’amour et le respect.

La formulation utilisée par le Synode ne conduit pas nécessairement à faire comprendre ce dernier point de vue, pourtant bien enracinée dans la Parole de Dieu transmise par les prophètes et Jésus lui-même. La formule utilisée aurait pu tout aussi bien être « une religion toute centrée sur une humanité à transformer à l’image du Père, du Fils et de son Esprit. »


2.2 Le second élément vient, sans doute, de la formulation qui fait de Jésus celui sur qui tout est centré.


Déjà, Benoît XVI, dans son livre sur Jésus de Nazareth, avait insisté sur cette centricité de Jésus et de Dieu. « Le commandement fondamental pour Israël est aussi celui des chrétiens : seul Dieu doit être adoré. »(p.64) À le lire, il donne l’impression non pas d’un Dieu préoccupé d’abord et avant tout de l’humanité, mais plutôt des louanges que cette dernière peut lui rendre. Il en fait tout autant avec Jésus qui « attribue à son « Je » un caractère de norme dont aucun Maître en Israël ni aucun Docteur de l’Église ne peut se prévaloir. » (p.111) Il semble que le Synode abonde dans le même sens, non pas en mettant ce Visage humain de Dieu au centre de son intervention dans l’histoire des hommes pour transformer le monde, mais plutôt pour amener le monde à le reconnaître comme Fils de Dieu et comme envoyé du Père. La différence entre les deux approches est fondamentale.


Si Jésus ne cache pas son identité et qu’il nous parle de son Père, source de son autorité, c’est beaucoup plus pour nous convaincre de la nécessité de changer l’ordre des choses qui ne répond ni à la nature humaine ni à la volonté du créateur. La « Volonté du Père » c’est que l’amour, fondé sur la justice et la vérité, s’étende à tous les humains de la terre. « Si vous ne croyez pas en moi, croyez au moins aux œuvres que je fais. » (Jn 14,11) Ici, les œuvres passent avant son « Je ». L’apôtre Jacques, dans son épitre reprendra également ce raisonnement de Jésus. « Tu as de la foi, moi j’ai des œuvres; prouve-moi ta foi sans les œuvres et moi, je tirerai de mes œuvres la preuve de ma foi. » (Jacques 2,18) Si Jésus est là c’est pour nous faire voir les pauvres, les laissés pour compte, les hypocrisies des uns, les mensonges des autres, l’indulgence et la miséricorde pour les faibles et les pécheurs. Il ouvre ainsi la voie à son Père qui vient à la rencontre de l’humanité. Ce n’est plus le Père qui se fait le centre de l’humanité, mais l’humanité qui devient le centre des préoccupations du Père. Cette présentation du « Je » de Jésus, si elle n’est pas clairement expliquée, peut prêter à beaucoup de confusion. D’ailleurs, ce « Je » de Jésus ne saurait être compris correctement que dans le contexte d’un NOUS englobant non seulement les personnes divines, mais également toutes celles de l’humanité. Que le plus grand se fasse le plus petit et le maître, le serviteur.


« Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il demeurera avec eux. Ils seront ses peuples et lui sera le Dieu qui est avec eux. » (Apocalypse 21,3)


QUE CONCLURE?


Si la Parole de Dieu dans les Écritures est irremplaçable elle n’en demeure pas moins très diversifiée et du fait même une source où chacun peut puiser selon ses besoins ou ses intérêts. Les évêques du récent synode n’échappent pas à cette flexibilité des Écritures. En s’inspirant des Actes des apôtres 2,42, ils optent pour une approche cultuelle.


« Ils se montraient assidus à l'enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. »


On ne peut pas le leur reprocher, ils sont tous de fidèles défenseurs des formes cultuelles et du caractère religieux de la foi dans le monde. Cette approche a le gros avantage de ne pas ébranler les mœurs et coutumes de l’institution ecclésiale. Elle n’a pas à s’inscrire dans la mouvance du monde avec ses contradictions et ses nombreux défis. La solution à tous ces problèmes c’est que le monde se tourne vers le culte à Dieu et rendre grâce au Seigneur de l’Univers pour tous ses bienfaits. Le monde doit se convertir. Son absence de foi est à l’origine des maux qui l’affectent.
Par contre, si on prend comme point de départ le texte de la lettre de St-Paul aux Éphésien 2, 20-21, cité plus haut, le discours devient alors différent et les perspectives institutionnelles et cultuelles beaucoup moins sécurisées. Le langage des prophètes vient s’ajouter à celui des apôtres et là, la conversion n’est plus à sens unique. L’Église doit retrouver la simplicité de ses origines, se libérer des alliances qui la lient aux grands et puissants de ce monde, s’adapter aux réalités du monde dans lequel elle évolue, se faire solidaire des pauvres et laissés pour compte des sociétés.


Le synode des évêques aurait produit un tout autre document si les prophètes des temps modernes eurent été représentés pour proclamer conjointement avec les apôtres la Parole de Dieu pour les temps que nous vivons.

Oscar Fortin
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lundi 10 novembre 2008

LA PRIVATISATION D'HYDRO-QUÉBEC


Je ne comprends toujours pas d’où vient cet acharnement de certains politiciens à vouloir retirer à l’État une entreprise qui, en plus d’être rentable, assure à l’ensemble de la population un bien devenu essentiel. S’il y a des problèmes de gestion, les gouvernements sont tout aussi compétents que les Conseils d’administration des entreprises privées pour y remédier. La crise économique que nous vivons n’a rien pour convaincre que l’entreprise privée peut faire mieux qu’une société d’État. Dans les deux cas, ce sont des hommes et des femmes, préparés pour gérer. Dans le premier cas, ils servent les intérêts de leurs actionnaires et, s’ils rencontrent des problèmes, ils s’adressent à l’État et à la société pour renflouer leur caisse. Dans le second cas, ils servent les intérêts de la société qui en est l’actionnaire majoritaire et s’ils rencontrent des problèmes ils augmentent, selon le cas, les tarifs ou les impôts. Dans un cas comme dans l’autre le consommateur et le payeur d’impôt sont ceux qui assument la note finale.


Il n’y a aucune entreprise privée que je connaisse qui soit intéressée à investir en fonction d’un Bien commun d’une société. Ses investissements n’ont d’autres objectifs que ceux de réaliser des profits à l’intention de ses actionnaires et d’assurer les primes consenties à ses administrateurs. Lorsque le gouvernement canadien, sous la gouverne de Mulroney, a vendu à rabais PETRO CANADA, il a privé les canadiens du contrôle d’une richesse qui lui échappe maintenant. Plutôt que d’être un féroce défenseur des intérêts du peuple canadien, il s’est laissé emporter par les lobbies d’intérêts privés qui nous rient maintenant au nez. Ils font ce qu’ils veulent avec les prix à la pompe et le gouvernement se défend en disant qu’il n’y peut rien. Il me semble que les intérêts du peuple canadien eût été de garder le contrôle sur cette richesse et de forcer l’entreprise privée à s’astreindre aux exigences du bien commun des canadiens.


Pendant que les pays de l’Amérique du Sud se réapproprient leurs richesses fondamentales pour en faire bénéficier prioritairement leurs citoyens et citoyennes, ici, nous agissons en sens inverse. Nos gouvernements abandonnent à l’entreprise privée ce qui est rentable et permet aux québécois et aux canadiens de garder, par leurs représentants gouvernementaux, le contrôle sur des richesses essentielles au maintien des objectifs du Bien Commun de la société. Hier, ce fut le pétrole, aujourd’hui ce sont les services à la santé et Hydro-Québec, demain ce sera l’eau et quoi encore.


De grâce, apprenons à gérer nous-mêmes ces richesses dont tous les québécois et québécoises sont déjà les actionnaires et gérons-les de manière à en faire bénéficier l’ensemble de la collectivité. Nos gouvernements ont la responsabilité d’assurer le BIEN COMMUN de la collectivité et non d’un groupe privé d’actionnaires. Il a le devoir et la responsabilité de sauvegarder et de développer les richesses dont dispose la nation pour qu’elles servent prioritairement la santé, l’éducation, l’alimentation, l’habitation, le transport. Ce sont là des ingrédients qu’un gouvernement responsable doit rendre accessible à tous et à toutes.


Si le gouvernement veut augmenter ses revenus grâce à l’entreprise privée, qu’il commence à aller les chercher dans les paradis fiscaux et les passoires fiscales qui rendent possible l’évasion de milliards de dollars. Je ne doute pas que le professeur Lauzon saura être de bon conseil à ce sujet.


S’il faut améliorer la gestion de certaines de nos sociétés d’état, qu’on le fasse. L’État dispose de tous les outils du privé pour y parvenir, sauf évidemment celui de s’enrichir au détriment du BIEN COMMUN de la collectivité qui en est l’actionnaire principal. Ne faut-il pas voir l’État comme l’entreprise mise en place par la société entière pour gérer ses richesses et répondre aux exigences de son développement dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’alimentation, du logement, du transport et de la culture? Quoi qu’il arrive, les promoteurs de telles privatisations doivent avoir l’honnêteté de dire qu’en bout ligne le consommateur sera toujours celui qui en assumera la note.

Oscar Fortin
Québec, le 8 novembre 2008