vendredi 5 mars 2010

LAICICITÉ-RELIGION-ATHÉISME

Le débat sur la laïcité donne à penser qu’il s’agit d’une lutte à finir entre croyants et athées. Les thèmes les plus souvent abordés sont ceux des symboles qui affirment dans l’espace sociétaire les diverses appartenances religieuses. Ces symboles viennent heurter ceux et celles qui n’en ont rien à faire, se disant eux-mêmes non croyants. Serait-ce donc que la laïcité soit devenu le cheval de bataille des non-croyants contre ceux et celles qui se réclament d’une foi? Est-ce une lutte contre les religions ou est-ce une lutte contre la foi?

Je pense que la distinction entre religion et foi n’est pas uniquement de circonstance mais revêt, dans l’actuel débat, une importance capitale. Ici au Québec, notre histoire a été particulièrement marquée par la forme religieuse à l’intérieur de laquelle la foi de nos ancêtres s’est exprimée. Cette Église, avec son petit catéchisme, ses sacrements, sa morale et les humeurs de ses évêques et curés fait partie de l’histoire du Québec et sa présence, quoi qu’on en dise et quoi qu’on en pense, demeure incrustée dans nos valeurs culturelles. Il s’agit évidemment de l’Église catholique d’une époque remise en question tant par Vatican II que par la Révolution tranquille. Une Église qui ne saurait perdurer dans le temps comme si rien ne s’était passé. C’est dans ce contexte qu’il faut lever une confusion qui, à ne pas être clarifiée, risquerait d’entraîner le rejet du bébé avec l’eau du bain. La séparation de l’Église et de l’État dont nous débattons dans le cadre de la laïcité réfère surtout à cette Église institutionnelle dont les hiérarchies s’étaient liées aux pouvoirs politiques, judiciaires et économiques. Ils se rendaient tous de mutuels services, peu scrupuleux des alliances qui les éloignaient tous des véritables objectifs de leurs missions propres. Il n’est donc pas étonnant que l’on souhaite qu’il y ait à ce niveau séparation de cette Église et de l’État. Moi, comme croyant, je suis tout à fait d’accord avec les non croyants et les athées pour qu’il y ait cette séparation entre cette Église et l’État. Mais voilà que, dans mon esprit, la foi est quelque chose qui déborde de beaucoup l’Église institutionnelle et les cultes qui l’identifient comme religion. À ce sujet je pense que ceux et celles qui se disent chrétiens devraient se poser des questions sur la foi qu’ils professent et la religion qu’ils pratiquent.

Dans une réflexion sur cette relation de la foi et de la religion je posais ces questions aux croyants qui se disent « pratiquants ».

« Comment ne pas vous soumettre à un sérieux examen de conscience sur les véritables motifs qui alimentent la foi que vous confessez, la religion que vous défendez et les engagements que vous prenez? Êtes-vous les marionnettes d’une culture religieuse marquée par la moralité d’une époque ou plutôt les prophètes qui font tomber les masques de l’hypocrisie, de la manipulation et du mensonge pour mettre en évidence l’avènement de l’homme nouveau? Êtes-vous plus préoccupés par les attitudes humaines à prendre face à l’isolement et au rejet des laissés pour compte de la société humaine que par la moralité de certains comportements liés le plus souvent à des valeurs culturelles d’une époque ou d’une civilisation? Êtes-vous les apôtres de la foi qui sauve ou de la religion qui asphyxie? »

Par ces questions apparaît clairement que la foi ne peut être d’aucune façon détachée de la société dans laquelle vit le croyant ou la croyante. Au contraire, elle en est une inspiration qui rejoint inévitablement tous ceux et toutes celles, croyants ou pas, qui œuvrent dans le même sens. Lorsque je me retrouve sur des sites où l’information alternative permet de dissiper les écrans de fumée qui cachent la réalité, de lever les masques de ceux et celles qui s’évertuent à tromper, de questionner les religions et leurs fonctions dans la société, qui forcent la reconnaissance et la mise en valeur des personnes et des peuples, je ne me sens pas étranger, tout croyant que je suis, et loin de là.

Je crois que ce qui doit assurer la qualité des relations entre croyants et non croyants est cette option fondamentale de vie au service de ces valeurs en quête desquelles chemine toujours notre humanité. Un jour, dans un effort de faire ressortir le sens sacré de certaines de ces valeurs, dites profanes, j’ai voulu en faire des « sacrements de la vie ».

« Il y a le sacrement de la JUSTICE qui reconnaît que les richesses de la terre doivent être utilisées au bénéfice de l’ensemble de l’humanité, assurant les conditions de vie décente, l’éducation, les soins de santé, la paix pour tous et qui agit à travers hommes et femmes pour qu’il en soit ainsi. Il y a le sacrement de la VÉRITÉ qui soutient et encourage ceux et celles qui lèvent les voiles sur les hypocrisies, les mensonges, les manipulations pour laisser apparaître la transparence. Il y a le sacrement de l’HUMILITÉ qui rend possible des relations humaines qui valorisent et font grandir ses semblables tout en donnant la force de reconnaître ses erreurs. Il y a le sacrement de la MISÉRICORDE qui permet de faire revivre des relations blessées en pardonnant et en ouvrant à la réconciliation. Il y a le sacrement de la SOLIDARITÉ qui rapproche les personnes les unes des autres et qui permet d’être avec les plus délaissés. Il y a le sacrement de la FOI qui permet de reconnaître les lois fondamentales de la nature et le devoir de se mettre au service des valeurs humaines et spirituelles de chaque personne et de chaque peuple. Il y a enfin le sacrement de l’AMOUR qui unit les humains dans une relation qui les transforme en une communauté vivante et fraternelle. »

Je pense que croyants et non croyants ont à partager un terrain fertile pour donner suite à leurs rêves tout en travaillant main dans la main pour que ces rêves deviennent réalité. Nous sommes tous quelque part un peu croyants : certains en l’existence d’un Dieu, les autres en son non-existence. Dans les deux cas il faut croire qu’il en est ainsi. Par contre le monde qui nous interpelle attend de nous tous que nous nous engagions. C’est là le terrain qui met à l’épreuve la foi que nous professons.


Oscar Fortin

Québec, le 5 mars 2010

http://humanisme.blogspot.com


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