mercredi 16 février 2011

LETTRE D'UN CROYANT AU MAIRE TREMBLAY

IL EST BON DE NOTER QUE LE MAIRE TREMBLAY VEUT EN APPELER DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE LUI INTERDISANT LA PRIÈRE CATHOLIQUE AU DÉBUT DES SÉANCES DU CONSEIL MUNICIPAL ET DEMANDANT LE RETRAIT DES SIGNES RELIGIEUX , COMME LE CRUCIFIX, SUR LES MURS DE LA SALLE DES ASSEMBLÉES MUNICIPALES. TOUT CELÀ SUR LA BASE DU PRINCIPE DE LA LAICITÉ DE L'ÉTAT.

Mon cher Jean,

Nous partageons vous et moi la même foi, celle en ce Jésus de Nazareth qui, des terres de la Palestine, nous a livré le message des Béatitudes, celui de la solidarité humaine, de la vérité, de la justice et de la compassion. Il a eu pour ses disciples ainsi que pour ceux et celles qui allaient les suivre des recommandations de nature à leur faire éviter les pièges du fanatisme dont se revêtaient les docteurs de la loi et ces pharisiens qui aimaient se faire voir en public.

« Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour vous faire remarquer d'eux ; sinon, vous n'aurez pas de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux. Quand donc tu fais l'aumône, ne va pas le claironner devant toi ; ainsi font les hypocrites, dans les synagogues et les rues, afin d'être glorifiés par les hommes ; en vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense. Pour toi, quand tu fais l'aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône soit secrète ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. " Quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment, pour faire leurs prières, à se camper dans les synagogues et les carrefours, afin qu'on les voie. En vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense. Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. Dans vos prières, ne rabâchez pas comme les païens : ils s'imaginent qu'en parlant beaucoup ils se feront mieux écouter. N'allez pas faire comme eux; car votre Père sait bien ce qu'il vous faut, avant que vous le lui demandiez.» Mt. 6, 1-8

Mon cher Jean, vous et moi, prenons au sérieux ces paroles de Jésus. Je ne doute aucunement de la ferveur de tes engagements et de la profondeur de ta foi. Ce que je redoute, toutefois, c’est que les circonstances et les influences, plus près de visions religieuses et sectaires que de la foi elle-même, te conduisent à poser des gestes qui ne pourront qu’être néfastes à cette foi héritée de Jésus lui-même. Cette foi nous libère de toute cette mascarade des us et coutumes dont les peuples ont hérité de cultures et de religions desquelles ils sont issus. Paul de Tarse qui occupe une importance de premier plan dans la compréhension du mystère qui nous enveloppe et dans cette foi qui nous unit a eu ces paroles à l’endroit de ceux et celles qui ne savaient comment se comporter tantôt avec les juifs, tantôt avec des païens. Je vous invite à lire attentivement ce qu’il écrit aux Corinthiens qui se posaient ces questions.

« " Tout est permis " ; mais tout n'est pas profitable. " Tout est permis " ; mais tout n'édifie pas. Que personne ne cherche son propre intérêt, mais celui d'autrui. Tout ce qui se vend au marché, mangez-le sans poser de question par motif de conscience ; car la terre est au Seigneur, et tout ce qui la remplit. Si quelque infidèle vous invite et que vous acceptiez d'y aller, mangez tout ce qu'on vous sert, sans poser de question par motif de conscience. Mais si quelqu'un vous dit : " Ceci a été immolé en sacrifice ", n'en mangez pas, à cause de celui qui vous a prévenus, et par motif de conscience. Par conscience j'entends non la vôtre, mais celle d'autrui ; car pourquoi ma liberté relèverait-elle du jugement d'une conscience étrangère ? Si je prends quelque chose en rendant grâce, pourquoi serais-je blâmé pour ce dont je rends grâce ? Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, et quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu. Ne donnez scandale ni aux Juifs, ni aux Grecs, ni à l'Église de Dieu, tout comme moi je m'efforce de plaire en tout à tous, ne recherchant pas mon propre intérêt, mais celui du plus grand nombre, afin qu'ils soient sauvés. » Cor.1, 10, 23-33

Jean, je vous invite à méditer ces deux extraits, celui de Mathieu et ce dernier de Paul. Demandez-vous si la campagne que vous menez répond à l’esprit des Évangiles et des Épitres de Paul auxquels vous croyez profondément, ou si vous ne vous faites pas la marionnette de ceux et celles qui voudraient bien convertir la foi chrétienne en une secte religieuse. Par les temps qui courent, elles attirent bien du monde et dans pareil contexte vous ne manquerez pas d’appuis. Mais est-ce vraiment là le message que Jésus nous a livré dans les Évangiles? Devant les saintes femmes qui pleuraient de le voir porter sa croix il a eu ces paroles que vous connaissez mieux que moi: "Ne pleurez pas sur moi, mais sur vous et vos enfants". Je vous réfère cet article en lien direct avec la problématique que vous vivez.

Je termine, en vous faisant une confidence. Un jour on m’a remis une croix à porter comme signe d’apôtre et de missionnaire au service des pauvres et des démunis. En conscience, je l’ai donnée à une connaissance, devenue aveugle à l’âge de 20 ans et dont la vie était beaucoup plus près du message évangélique que la mienne. Je me disais dans mon fort intérieur que je devais l’inscrire avant tout dans mon cœur avant de la porter sur mon corps. J’ai, aujourd’hui, 70 ans et j’y travaille toujours. Il faut croire que Dieu est patient et que le culte qui lui plaît est celui qui le révèle dans les oeuvres de justice, de vérité, de solidarité avec les exclus de nos sociétés, de compassion et d'accueil inconditionnel.

Jean, la foi que nous partageons n’a pas besoin d’accommodements raisonnables pour la simple raison qu’elle nous libère de toutes les contraintes et nous rend capables de nous adapter à toutes les situations. Notre foi est une foi de liberté. Ne soyons scandales pour personne à moins que ce ne soit pour témoigner de cette liberté qui nous permet d’être à proximité de tous et de toutes. Soyons des témoins de vérité, des apôtres de justice, des personnes au cœur ouvert capables de vivre dans tous les milieux et au cœur de toutes les tendances. Soyons simplement et profondément humains.

Voilà, Jean, ce que je tenais à vous dire au nom de celui en qui nous croyons profondément vous et moi.

Bien fraternellement

Quelqu’un qui admire votre zèle, mais qui en questionne les orientations.

Oscar Fortin

Québec, le 16 février 2011

En relation avec cette même problématique, un article de nature à éclairer le débat

http://humanisme.blogspot.com/2006/04/ne-pleurez-pas-sur-moi.html

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