jeudi 30 juin 2011

LETTRE OUVERTE AU PAPE ET AUX ÉPISCOPATS CATHOLIQUES


Je m’adresse à vous qui êtes les successeurs des apôtres et les témoins, pour le monde d’aujourd’hui, du message évangélique, tel que révélé en Jésus de Nazareth. Je le fais en tant que croyant en ce Jésus et en tant que membre de l’Église dont il est toujours la Tête vivante.
Le regard que je porte sur vous et sur l’Église s’inspire, pour une part, de ce Jésus de Nazareth qui se laisse découvrir à travers les Évangiles et, pour d’autre part, du monde contemporain qui nous met en contact avec une humanité à la recherche de toujours plus de justice, de vérité, de solidarité et de liberté.
Lorsque je relis les Évangiles et que je m’attarde sur les diverses consignes adressées par Jésus à ses apôtres et disciples, je n’arrive plus à les y reconnaître dans ce que vous êtes devenus. J’ai comme l’impression que vous acceptez plus facilement la « tradition » qui fait de vous des « maîtres », disposant d’autorité, des « personnages », se démarquant par leur hiérarchie, des « collaborateurs » s’identifiant aux classes dirigeantes. Cette « tradition », héritée d’une longue histoire, semble vous aller comme un gant. Toutefois, elle ne saurait se substituer à cette autre tradition qui nous vient, celle-là, directement de Jésus de Nazareth. Plus contraignante, mais aussi plus authentique, elle est à la base de cette conversion qui ouvre au Règne de Dieu. Il s’agit de cette bonne nouvelle qu’il vous a envoyés annoncer à toute personne de bonne volonté.
 « Et tandis qu'ils faisaient route, quelqu'un lui dit en chemin : " Je te suivrai où que tu ailles. Jésus lui dit : " Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids ; le Fils de l'homme, lui, n'a pas où reposer la tête. " Lc. 9,57
« N'emportez pas de bourse, pas de besace, pas de sandales, et ne saluez personne en chemin. »
«Les rois des nations dominent sur elles, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler Bienfaiteurs. Mais pour vous, il n'en va pas ainsi. Au contraire, que le plus grand parmi vous se comporte comme le plus jeune, et celui qui gouverne comme celui qui sert. Quel est en effet le plus grand, celui qui est à table ou celui qui sert ? N'est-ce pas celui qui est à table ? Et moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert ! » Lc. 22, 24-27
Cette tradition est tout à l’opposé de la tradition héritée des empires royaux. Elle fait appel à une autorité ecclésiale dépouillée de ses honneurs, de son prestige, de ses sécurités, de ses ambitions et de ses luttes de pouvoir. Cette relation nouvelle, inaugurée en Jésus, transformant le maître en serviteur, le plus grand en plus petit, fait partie de cette bonne nouvelle du Règne de Dieu. Pouvez-vous, en toute honnêteté, témoigner du Règne de Dieu en étant captifs de tous ces apparats et dépendances institutionnelles?
Qu’en est-il dans les faits? Combien d’entre vous vivent avec  les plus défavorisés des diocèses dont vous êtes les « pasteurs »? Qui sont les invités les plus fréquents avec lesquels vous aimez partager vos repas? Quelles sont les grandes préoccupations qui retiennent le plus vos énergies et vos engagements? Sont-elles celles qui portent sur l’avènement du Règne de Dieu dans le monde d’aujourd’hui ou celles qui portent plutôt sur l’organisation sacramentelle d’une Église toute centrée sur le culte et les liturgies?
Un survol rapide de ce qui se passe dans le monde d’aujourd’hui, nous révèle une humanité dont les deux tiers vivent dans la pauvreté, générée en grande partie par la cupidité d’oligarchies qui dominent les pouvoirs politiques, économiques, judiciaires et même religieux. Les mensonges, bien déguisés en vérités et diffusés à grande échelle, contaminent l’esprit des gens qui en arrivent ainsi à soutenir des guerres de conquête et de domination.
Ceux et celles qui s’opposent aux forces de ces oligarchies sont diabolisés, persécutés, arrêtés, torturés, assassinés. La voix des hiérarchies se fait complice, plus souvent que moins, de ces mêmes oligarchies. Combien d’Évêques élèvent fortement la voix pour dénoncer cette grande tricherie internationale et les injustices qui en résultent?  En Occident, là où l’Église est en plus grande proximité avec les puissances dominatrices, le Pape et les Évêques, dont vous êtes, demeurent plutôt discrets. Le monde est loin d’entendre cette voix forte des successeurs des apôtres qui dénonce à temps et à contre temps ces guerres fondées sur le mensonge et la cupidité des conquérants. Il est plutôt témoin de la bénédiction qu’ils apportent aux soldats qui partent en guerre, du maintien des bonnes relations qu’ils continuent d’entretenir avec les conquérants  et, dans nombre de cas, des condamnations répétées de ceux et celles qui résistent à ces forces impériales. Les discours sur les forces armées, la violence, les guerres se font discrets et souvent, ambigus.
Qui d’entre vous a envoyé des lettres pastorales, à être lues dans toutes les églises de vos diocèses, dénonçant l’intervention de l’OTAN en Libye et les ambitions de conquête des belligérants un peu partout dans le monde? C’est évidemment moins compromettant de parler des moyens contraceptifs, de l’avortement, du mariage des personnes de même sexe, des méfaits du terrorisme, sans toutefois, dans ce dernier cas, en préciser ses différents visages. En somme, un discours complaisant pour les puissants, mais trompeur pour les humbles de la terre.
On raconte que lors du Concile Vatican II, un groupe d’évêques, réunis autour de Don Helder Camara, avait conclu un pacte, le pacte des Catacombes, visant à ce retour auprès des pauvres et à ce dépouillement inévitable pour que ce retour  soit pleinement authentique. De toute évidence, un geste prophétique. Il aura été une inspiration pour plusieurs évêques du Tiers-Monde dont certains seront morts martyrs. Mgr Oscar Romero, de San Salvador, est un de ceux-là.
Il est évident que dans le cadre de cette tradition évangélique, les prétendants aux hautes fonctions ecclésiales se feraient moins nombreux. Les luttes de pouvoir se transformeraient en mille excuses pour ne pas être de la compétition. Les bidonvilles, les fonctions sans honneur et sans prestige, les affrontements inévitables avec les puissances qui s’imposent aux laissés pour compte, tout cela n’aurait pas de quoi attirer les carriéristes et les ambitieux.
Alors, en tant que croyant et membre de l’Église catholique, je vous demande, quelles sont vos priorités, comme pasteurs et successeurs des apôtres, pour que le Règne de Dieu, inauguré en Jésus, soit proclamé avec force et courage dans chacun de vos diocèses et dans l’Église universelle? Il s’agit bien d’un Règne de justice, de vérité, de solidarité, de compassion et d’amour. Comment voulez-vous que le monde croie en ce message si les lois qui vous régissent, comme institution et comme autorité, s’inspirent davantage de celles qui régissent les puissances de ce monde que de celles qui s’inspirent de ce Règne nouveau, inauguré en Jésus?
« Nul ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l'Argent. » Mt. 6,25
Le temps n’est-il pas venu de choisir entre une Église, caractérisée par le culte et les sacrements et une Église, phare et témoin d’humanité qui convoque à l'avènement d'un monde nouveau?
Oscar Fortin
Québec, le 30 juin 2011

vendredi 24 juin 2011

POUR QU'UNE CRISE DEVIENNE TREMPLIN DE VIE

IL FAUT RETROUVER SON ÂME ET SON INSPIRATION PREMIÈRE 

Qu’il y ait des crises qui éclatent ici et là, rien de plus normal. Elles font partie de la dynamique de la croissance et du développement des sociétés tout comme de celle des relations humaines. L’important est d’en bien comprendre les causes profondes pour en faire des moments exceptionnels de saut qualitatif par en avant, permettant l’émergence de nouvelles assises aux organisations porteuses de projets.
Le Parti Québécois, principal porteur politique du projet de l’indépendance du Québec, vit actuellement une crise qui va au-delà de la simple conjoncture d’un moment que plusieurs pourraient considérer, somme tout, comme passager. Il s’agit, à mon humble avis, d’une crise plus profonde qui le touche dans ses éléments les plus fondamentaux.
Depuis le 14 octobre 1968, date de la fondation du Parti Québécois, jusqu’à juin 2011, le projet de l’indépendance du Québec a été porté principalement par ce dernier.  Si dans ses débuts, les souverainistes et les indépendantistes s’y ralliaient avec enthousiasme, on ne peut en dire autant aujourd’hui. En effet, après 43 ans d’existence, deux référendum (s), 18 ans de gouvernance du Québec, 6 courses à la chefferie, on peut comprendre que  bien des habitudes aient été prises et que certains glissements idéologiques, tant sur l’indépendance et la sociale démocratie, se soient produits.

L’usure du pouvoir et les compromis auxquels il conduit inévitablement font en sorte que les indépendantistes et souverainistes d’aujourd’hui tout autant que ceux et celles des premières heures s’y retrouvent de moins en moins. Pour un grand nombre, le Parti Québécois ne porte plus la fraîcheur d’un projet de pays pas plus que celui d’une sociale démocratie. L’âme qui l’a fait vibrer pendant ses premières années s’est progressivement effacer derrière la façade d’un Parti devenu semblable à tous les autres, à savoir sans âme.  
Pour redevenir le véritable Parti des Québécois, il se doit d’assumer cet état de fait et de procéder le plus rapidement possible à un véritable ménage printanier. S’il ne retrouve pas son âme, il risque d’emporter avec lui le destin de l’indépendance du Québec. S’il la retrouve, il redeviendra le lieu privilégié où souverainistes, indépendantistes et sociaux démocrates pourront se retrouver sans faire figure d’étranges, comme c’est souvent le cas actuellement. Il appartient aux membres de ce Parti de prendre tous les moyens pour que ce ressourcement à ses origines et à son âme se réalise dans les meilleurs délais.
Si tel devait être le cas, le Parti Québécois aurait alors fait un saut qualitatif en avant de grande transcendance pour l’avenir du Peuple Québécois. La crise qui annonçait sa fin serait alors devenue une  occasion unique de renaissance et de renouveau.
Bonne fête de St-Jean à tous les Québécois et à toutes les Québécoises

Oscar Fortin
Québec, le 24 juin 2011

mercredi 22 juin 2011

COALITION NATIONALE POUR L'INDÉPENDANCE DU QUÉBEC


GARE AUX SPÉCIALISTES DE LA RÉCUPÉRATION DE CRISES

Les derniers mois nous ont sensibilisés à divers mouvements, initialement de même inspiration, mais qui se révélèrent, avec le temps, de nature fort différente. Ce qui s’est passé en Tunisie et en Égypte, au Yémen et au Bahreïn n’est plus ce qui se réalise actuellement en Libye et en Syrie. D’ailleurs, même en Égypte, en Tunisie, au Yémen et au Bahreïn les forces impériales de récupération se font de plus en plus présentes et, dans certains cas, plus répressives. Les peuples se doivent d’être de plus en plus vigilants et clairvoyants pour éviter les pièges de la récupération. Il faut dire que les oligarchies ne sont pas disposées à perdre ce qui les a si bien servies jusqu’à maintenant.
Ce petit détour, par l’international, est là pour nous rappeler que les lois non écrites qui régissent les luttent de pouvoir s’appliquent tout autant aux forces progressistes et indépendantistes du Peuple Québécois. Nous devons savoir que les adversaires les plus dangereux à notre émancipation et à notre indépendance sont ceux et celles qui sont en mission commandée à l’intérieur de ces forces progressistes. Ils et elles se font, en général, soit d’une radicalité telle que cette dernière émiette les forces en présence, soit d’une ouverture sans limite qu’elle vide de son contenu le véritable projet d’un Québec indépendant et progressiste. Il faut donc se montrer très vigilant, tout autant, à l’endroit des propositions visant à fragmenter encore davantage les forces progressistes et indépendantistes qu’à celles qui les vident de leur contenu.
CAP SUR L'INDÉPENDANCE
Il faut que le peuple soit associé le plus possible à tous ces débats, car il est celui qui saura le mieux déceler, à la lumière de ce qui se dira, tout autant ses véritables leaders que la voie à suivre. Dans la situation actuelle des débats en cours dans le Parti Québécois et dans les diverses forces indépendantistes, je me range plus spontanément dans la mouvance de ceux et celles qui souhaitent une large coalition plutôt que de ceux et celles qui souhaitent la création d’un nouveau parti politique. Toute coalition exige la mise entre parenthèse de ses appartenances partisanes pour y placer ce qui en est l’inspiration première, soit l’indépendance du Québec. Beaucoup d’autres questions trouveront, leur moment venu, toute leur pertinence pour être discutées et débattues, mais le premier pas et le plus fondamental est de devenir un État et d’être un pays souverain.
Cette coalition devrait s’imposer jusqu’à ce que le pays se donne une première constitution qui soit le reflet et l’expression de la volonté du peuple. Au terme de ce référendum constitutionnel chaque parti et chaque mouvement reprendront les combats qui leur seront spécifiques.
Le peu que je sais sur l’évolution des démocraties en Amérique latine où les luttes se révèlent des plus féroces entre les oligarchies et les forces progressistes, m’enseigne que les coalitions des forces progressistes de ces pays sont ce qui leur a permis de prendre le pouvoir dans le cadre des démocraties existantes, de procéder à l’élaboration de nouvelles constitutions et de s’affirmer dans les divers pouvoirs en y apportant des changements majeurs, comme dans les forces armées, dans les Cours de justice et au niveau des moyens de communication, tous au service d’oligarchies sans scrupule.
Il faut, me semble-t-il, ne rien négliger pour qu’une véritable coalition soit formée dans les meilleurs délais. Que quelqu’un, quelque part, prenne l’initiative de réunir les principaux acteurs et actrices de ce grand projet de l’indépendance. Qu’ils aient tous et toutes l’opportunité de s’exprimer, que des comités « ad hoc » approfondissent les divers points de vue et que des propositions soient apportées pour résoudre les différents. Ce sera un premier exercice de faire de la politique autrement et de démontrer ce dont nous serons capables une fois indépendants. L’important, c’est qu’aux prochaines élections, il n’y ait qu’un parti, celui de la coalition, et qu’il présente sous la bannière de l’indépendance, des candidats dans chacune des circonscriptions du Québec.
Il va de soi que cette coalition, si importante soit-elle, ne doit pas niveler à son point le plus bas, le véritable objectif de l’indépendance du Québec. Le temps des négociations avec les fédéralistes est terminé. Nous passons à l’action sur l’indépendance pure et simple. S’il y a des négociations à venir, ce sera comme pays que nous les mènerons.
Bonne Saint Jean Baptiste à tous les Québécois et à toutes les Québécoises
Que le courage et l’audace de nos ancêtres nous inspirent dans cette conquête de nous-mêmes.
Oscar Fortin
Québec, le 22 juin 2011

mardi 14 juin 2011

LES POSTULATS DE FRANÇOIS LEGAULT

Si j’ai bien compris François Legault, la question nationale constitue un frein au développement du Québec et l’indépendance n’est pas nécessaire pour résoudre ses problèmes. En un mot, le fait de disposer de l’ensemble des outils économiques, politiques, culturels, sociaux n’est pas important. En somme, le fait d’être « maître chez-nous », d’avoir un « pays pour nous » n'est pas important pour résoudre les problèmes qui confrontent le Québec d’aujourd’hui.
Cette compréhension de François Legault est celle que les médias de Gesca, de Quebecor et de Radio-Canada font ressortir de toutes les manières. « L’idée de la souveraineté recule, elle est devenue un obstacle à la croissance et au développement du Québec, plus que jamais, il faut la mettre entre parenthèse, le temps de résoudre nos problèmes économiques et sociaux. »
La table est mise pour faire croire que les outils d’un pays indépendant n’ont rien à voir avec les solutions à apporter aux problèmes économiques et sociaux. Le « être maîtres chez nous » des années 1960 ne fait plus partie de la solution. Il en est de même d’ « un pays pour nous ». En fait, pour eux, qu’il y ait un seul État qui décide des politiques fiscales, de ses programmes sociaux, de ses politiques extérieures, de son commerce national et international, de ses forces armées et de sa sécurité, tout cela n’apporte rien aux ressources dont dispose déjà le Québec pour résoudre ses problèmes.
Si plus de 192 pays à travers le monde, tous membres de l’Assemblée générale des Nations Unies, incluant le Canada, croient que leur indépendance et souveraineté sont parties des pouvoirs qui leur permettent de résoudre leurs problèmes économiques et sociaux, pourquoi en serait-il autrement pour le Peuple Québécois? N’est-il pas le seul peuple, en Amérique, de plus de six millions d’habitants, qui ne dispose pas encore de cette indépendance et souveraineté?
À écouter les chantres de la mise en veilleuse de la question nationale, on a l’impression que cette dernière n’est qu’un luxe non essentiel, ni nécessaire au développement social, politique et économique d’un peuple. C’est  tout de même incroyable. En effet, que dire de cette histoire des Amériques qui met en relief ces guerres d’indépendance, menées au prix de nombreux sacrifices par des peuples qui ne voyaient pas l’horizon de leur développement sous la dépendance des puissances coloniales?
Il n’y a pas de doute qu’ils ont eu droit, eux aussi, à ces représentants de ces colonisateurs pour les mettre en garde contre ces aventures guerrières qui leur rendraient la vie encore plus difficile. N’importe, ils ont suivi Bolivar, Marti et les autres qui leur disaient que le chemin de la liberté et de la croissance passait par l’indépendance, la souveraineté et la solidarité des peuples. Demeurer colonisé n’est pas un destin. C’est pourtant le cas du Québec dans le Canada actuel. Les véritables décisions et orientations se prennent à Ottawa et comme Peuple nous demeurons sans constitution et sans pays.
J’espère que d’autres, beaucoup mieux préparés que je ne le suis, sauront mettre en évidence le fait que les véritables solutions aux problèmes que connait le Québec doivent passer par l’indépendance, source de tous les pouvoirs étatiques. En établissant le lien essentiel entre les problèmes à résoudre et les pouvoirs d'un État indépendant nécessaires à leur solution, les chantres de la mise entre parenthèse de cette question devront s’expliquer.
Pas surprenant que l’élite économique, celle qui est bien servie par le système qu’elle contrôle, soit celle qui monte la première aux barricades pour prendre l’initiative de la lutte à venir. Il faut vite qu’elle sache qu’un peuple est là et qu’il peut se faire entendre par ceux et celles qui en partagent les richesses et les misères mais aussi la détermination, le courage et la lucidité.
Oscar Fortin
Québec, le 14 juin, 2011

mardi 7 juin 2011

À LA CROISÉE DES CHEMINS

DES CHOIX S’IMPOSENT

Ce n’est pas d’aujourd’hui que le monde, les peuples, les nations, les églises se retrouvent à la croisée des chemins. Ce sont des moments de l’histoire qui cumulent en concentré des antagonismes qui obligent à des choix. L’époque que nous vivons n’y échappe pas, d’autant moins que la mondialisation nous fait voir avec encore plus de clarté la polarisation des grandes forces qui s’affrontent dans le monde. D’une part, il y a ce cri des peuples qui dénoncent les systèmes dans lesquels ils sont toujours de plus en plus enfermés et qui réclament liberté, justice, vérité, respect et dignité. D’autres part, il y a cette résistance de ceux et celles qui ne veulent pas se priver d’un système qui les sert si bien.
Un peu partout à travers le monde émergent  de nouveaux gouvernements qui se font solidaires des revendications des peuples et qui font entendre ce cri de changement au sein des organisations internationales, dénonçant les vices cachés d’un système de moins en moins démocratique et de plus en plus oligarchique. Aux diverses questions qui se posent, il y a, entre autres, celle de savoir si le système, bâti sur le « néolibéralisme », est en mesure de répondre, par lui-même et « prioritairement », aux impératifs du bien commun des sociétés. En d’autres mots, les entreprises privées, les compagnies, les banques qui opèrent sur la base du rendement et du profit peuvent-elles, sans se pénaliser elles-mêmes, donner priorité à la promotion et au respect des besoins les plus fondamentaux des peuples sur la base desquelles se développent les sociétés? Peuvent-elles, sans dévier de la logique de leurs propres intérêts, faire intervenir les intérêts supérieurs de tous les citoyens et citoyennes d’une nation à l’éducation, à la santé, à l’alimentation, à l’habitation et à leur participation pleine et entière au développement social, politique, culturel et économique de leur société?
Je pense que les hommes et les femmes d’affaires tout autant que les compagnies nationales et multinationales sont les premières à reconnaître qu’ils ne sont pas là pour faire la charité ou l’humanitaire, mais pour faire des profits à la hauteur des attentes de leurs actionnaires. Personne ne peut les en blâmer, c’est dans la nature même du néo-libéralisme qui les inspire et les soutient. Ce dernier leur donne le pouvoir d’être roi et maître des richesses de la terre et d’en disposer selon leurs propres règles. Seule leur générosité naturelle permettra, de répondre aux besoins des peuples. Elles donneront à des églises pour leurs bonnes œuvres de charité, soutiendront des organismes à vocation humanitaire, mais se garderont bien de soulever la nature des causes de cette pauvreté qu’ils préfèreront soulager par la charité plutôt que de la guérir par la justice.
Malheureusement, l’histoire et les faits démontrent que cette générosité est non seulement insuffisante, mais dans bien des cas, devient un handicap à la prise en main par les populations de leur propre développement. Cette prise de conscience de la part de nombreuses églises et organismes d’aide humanitaire les rend nerveux. Ces dernier parlent de plus en plus de la nécessité de passer de la médecine de soulagement à celle de la guérison. Ces élites oligarchiques  deviennent encore plus nerveuses lorsque des gouvernements, indépendants, souverains et fortement démocratiques leur rappellent que le néolibéralisme qu’ils pratiquent n’est pas une référence « absolue » et qu’il doit s’ajuster aux impératifs du bien commun et à la saine gestion de l’État qui en assure le respect et le développement. Ce dernier  ne saurait le faire sans mettre des mesures contraignantes à leur endroit.  Par exemple : déterminer la valeur des richesses exploitées sur son territoire, s’assurer que les salaires payés aux  travailleurs sont suffisants, établir des règles assurant la protection de l’environnement, fixer les limites au-delà desquelles ils empiètent sur les prérogatives de l’État, fixer les obligations fiscales équitables à leur endroit comme il le fait pour l’ensemble des citoyens et citoyennes. Cette intervention de l’État s’impose en raison même de son mandat d’assurer la participation de tous et de toutes à la réalisation du Bien commun de la société.
Il est évident que sur la base de ces principes, il est difficile de s’opposer à la logique d’un tel raisonnement. Mais, dans la pratique, il y a bien des moyens d’en contourner les implications. Ce n’est pas pour rien que, dans nos démocraties représentatives, la participation financière des entreprises nationales et multinationales sont si importantes et sophistiquées. Elles ont tout intérêt à ce que les représentants du peuple, les élus,  soient également et prioritairement leurs représentants à eux sur les questions essentielles à leur développement et à leur rendement.
Ainsi, sans nier les prérogatives de l’État quant à sa responsabilité relative au bien commun de la société, elles s’assurent à l’avance que ces élus prendront garde de ne pas s’interposer dans la dynamique de leur propre développement comme entreprise. Tout un langage sera créé pour couvrir cette complicité. On parlera de la nécessité de créer de la richesse pour pouvoir répondre aux besoins fondamentaux de la société, on parlera de l’efficacité du privé dans la gestion des projets et la livraison des services en santé, en éducation etc. Les avantages tout comme les subventions qui leur seront consentis se justifieront par la nécessité de créer de l’emploi. Ainsi les oligarchies économiques peuvent poursuivre leurs activités dans la pure logique du néolibéralisme en pouvant compter sur des gouvernements qui leur ouvrent la voie tout en les convertissant en de véritables intervenants  humanitaires. Pas surprenant que nos interventions militaires en pays étrangers soient de plus en plus présentées comme des interventions humanitaires. La mise en scène est presque parfaite. Si ce n’était de l’éveil des consciences et de l’information alternative qui en démasquent les dessous, elle passerait comme du beurre dans la poêle.
Des choix s’imposent de plus en plus et ils ne peuvent venir de ceux et celles qui sont bénéficiaires de la situation actuelle. Ces derniers seront, au contraire, de farouches adversaires à tout changement substantiel de nature à faire de la justice, de la vérité, du respect, de la liberté des objectifs accessibles à toutes les personnes et à toutes les communautés. Cette fois-ci les choix sont plus fondamentaux et radicaux. Les résistances seront également sans merci.
Heureusement que la voix de la conscience, toujours plus forte et plus libre, porte en elle la vie et l’espérance. Elle est tout le contraire de la langue de bois qui est inerte et sans vie. Au Québec, de plus en plus de voix s’élèvent pour se faire entendre, non plus comme l'écho d’un parti, d’une organisation ou d’une église, mais comme une conscience qui porte des valeurs et des principes qui font parties d’elle-même. Amir Khadir est certainement une de ces voix qui demeure fidèle à ce qu’il est et à ce qu’il pense. Il en est sans doute de même pour les trois démissionnaires du Parti Québécois qui veulent retrouver cette liberté et cette honnêteté de conscience souvent trop à l’étroit dans la camisole de force d’un parti, d’une église ou d’une organisation. De plus en plus nombreuses sont ces voix qui se font entendre en toute liberté, en tout respect mais aussi en toute fermeté.
Il en va de même pour les peuples qui surmontent les campagnes de peur pour s’engager dans des campagnes de changement. C’est ce qui vient de se passer au Pérou où le parti Gana Peru vient de remporter, contre toute attente, la victoire aux élections du 5 juin dernier. Dès le lendemain, soit le 6 juin, la bourse a chuté comme jamais auparavant. Les bénéficiaires des régimes corrompus qui dirigent le Pérou depuis des décennies ont pris panique. Le peuple a décidé que le temps était venu de changer cet état des choses et de faire de tous les péruviens et péruviennes des membres à part entière de la société. Que vont dire les chantres de la grande démocratie pour laquelle nous envoyons nos soldats se battre dans les pays étrangers? Ils se font pour le moment passablement discrets sur cette victoire de la démocratie au Pérou. C'est comme s'il y avait une bonne et une mauvaise démocratie.
Nous sommes tous à la croisée des chemins et le temps est venu de faire des choix. Ces choix ne portent pas sur des idéologies, mais sur des valeurs fondamentales qui doivent être à la base de toute société : justice, vérité, souveraineté, respect, liberté, compassion et dignité. Ces valeurs interpellent tout autant ceux que l’on qualifie de « droite » que ceux que l’on qualifie de « gauche ». Ce sera à leur capacité de répondre à ces objectifs qu’ils révèleront leur véritable nature. Tout le reste ne saurait être que du maquillage ou du bla-bla-bla.
Oscar fortin
Québec, le 7 juin 2011