mardi 27 août 2013

QU'ATTENDRE DES NÉGOCIATIONS DE PAIX EN COLOMBIE?







Pendant que le Conseil de sécurité des Nations unies convoque à tout moment ses membres pour voter des résolutions contre le président Al Assad et son gouvernement en Syrie,  considérés comme les seuls responsables des crimes qui s’y commettent, en Colombie, les Forces armées révolutionnaires, armée du peuple (FARC-EP) ont entamé depuis octobre 2012, des négociations de paix dont parlent très peu nos médias.

Dans le cas de la Syrie, les pays de l’OTAN, sous contrôle des États-Unis, ont formé et reconnu une opposition armée sous la direction de recrues vivant à l’extérieur du pays qu’ils arment et soutiennent dans leurs luttes armées contre le gouvernement Al Assad. L’OTAN œuvre au côté de l’armée d’opposition syrienne, ignorant le caractère institutionnel et légitime de l’actuel gouvernement. Les médias occidentaux mettent tout en œuvre pour diffuser la version officielle de l’OTAN sur ce conflit.

Dans le cas de la Colombie, les représentants des FARC -EP ont accepté de s’asseoir à une même table avec les représentants du gouvernement pour ouvrir la voie à la paix, fondée sur la justice et le pouvoir du peuple. Dès le départ, ils ont annoncé unilatéralement une trêve de cessez-le- feu de deux mois que le gouvernement Santos a rejetée en disant qu’il n’y aurait aucune trêve de la part de l’armée colombienne tant et aussi longtemps qu’existera un seul terroriste visant la sécurité de l’État.

Une attitude du Président peu conciliante avec la volonté d’une paix consentie de part et d’autre. Nos médias se sont faits plutôt discrets sur l’approche donnée par les révolutionnaires armées colombiennes à ces négociations de paix ainsi que sur la décision du Président de maintenir l’offensive militaire contre ces insurgés.

Lors d’une entrevue récente avec les trois principaux chefs des FARC-EP dans les présentes négociations, l’un d’eux révèle les motifs qui ont justifié leur engagement dans ce processus de négociations de paix avec le Gouvernement.

« Dans l’échange de courrier que nous avons eu au début, le président Santos nous a déclaré qu’il souhaitait ouvrir la voie à une véritable démocratie en Colombie. Nous avons dressé l’oreille, car nous n’avons jamais dit que la lutte armée était le seul moyen de transformer ce pays. Nous avons pris les armes et poursuivons le combat parce que toute participation politique nous était interdite par la violence.

Si une possibilité nous est donnée de faire de la politique légalement et avec les mêmes droits, sans courir en permanence le risque d’être assassinés, et si des réformes politiques visant à instaurer en Colombie une démocratie participative sont mises en place, nous sommes partants. Car cela permettrait de créer un rapport de forces favorable au mouvement révolutionnaire, afin de mettre en chantier les changements radicaux indispensables. Nous acceptons ce défi »

Voir ici le texte intégral de cette entrevue dans sa traduction française.

OÙ EN EST-ON DANS CES POURPARLERS DE PAIX?

Il faut rappeler que la table des négociations a été décidée dans le cadre de cinq grands thèmes : le thème agraire, celui de la participation politique, l’attention à accorder aux victimes de ce conflit, la question des drogues et des narcotrafiquants et la fin du conflit armé.

Sur le premier point, un accord a été conclu après les quatre premiers mois de négociations. Un accord salué par de nombreux pays, dont la France.



Le second point, portant sur la participation politique, est un des points les plus sensibles et celui où, de part et d’autre, les négociateurs devront faire preuve d’astuces et de stratégie. Ce point se doit d’aborder la mise en place d’une constituante, ce que veulent les représentants des FARC-EP, mais que doit contourner le gouvernement, s’il ne veut pas ouvrir la porte à un changement de régime. Déjà, le président Santos s’est prononcé contre la constituante.

Les négociations en sont rendues à ce point précis. La semaine passée, le gouvernement a soumis un projet de loi au sénat pour rendre possible l’inscription d’un vote référendaire sur les accords de paix lors des prochaines élections législatives et sénatoriales, prévues au printemps 2014.  Selon ce projet de loi, il y aurait une case sur le bulletin de vote pour demander aux électeurs et électrices s’ils sont d’accord avec l’accord de paix.

Pour les FARC-EP l’accord de paix ne peut se ramener à un oui ou à un non sur un bulletin de vote destiné à élire les représentants à l’Assemblée législative et au Sénat. Pour eux, il s’agit d’un accord qui interpelle toutes les composantes de la société colombienne, non seulement les électeurs et électrices, mais aussi les diverses composantes représentatives de la société.

Cette procédure unilatérale et sans contenu précis a semé le doute chez les FARC-ELN et ils ont demandé un temps d’arrêt pour réfléchir à la question.

Dès, le lundi 26 août, ils sont revenus à la table de négociation pour reprendre les discussions. Le 27 août, ils ont présenté une proposition en 6 points visant à élargir la participation à l’ensemble des organisations de représentations sociales et professionnelles au développement politique, économise, social et culturel de la Colombie. 

Cette dernière vise la création d’un Conseil National de la Politique publique, démocratique et participative qui incorporerait, le pouvoir exécutif et législatif, les corporations économiques, les travailleurs organisés, les communautés et les travailleurs traditionnellement exclus. Ce conseil serait l’instance qui assurerait et protégerait la sécurité nationale.

À cette première revendication s’ajoutent cinq autres, ayant toutes une relation avec la participation élargie des diverses composantes de la société colombienne à divers niveaux des pouvoirs décisionnels.  Par exemple : que les processus de planification soient démocratiques et participatifs aux étapes de leur élaboration, de leur discussion, de leur approbation et de leur exécution à tous les niveaux.

Comme on peut l’imaginer, il y aura là matière à des échanges intenses où, de part et d’autre, il faudra sauver la face devant l’opinion publique nationale et internationale.

FAUT-IL DEMEURER OPTIMISTES ?

Personnellement, je demeure optimiste pour diverses raisons. D’abord, les FARC-ELN veulent passer au combat politique en s’intégrant comme bons citoyens et citoyennes à la vie de la société colombienne.  Ils ne veulent toutefois pas revivre ce qu’ils ont déjà vécu lors de l’Union patriotique.

« Si seulement nous avions pu former un parti politique sans qu’ils nous tuent, comme ils l’ont fait avec l’Union Patriotique. Rappelez-vous qu’ils ont assassiné environ cinq mille de nos compañeros et compañeras. Alors nous avons dû renforcer le côté militaire. Dans les négociations actuelles, nous ne pouvons refaire les erreurs que nous avons commises durant celles menées dans la région du Caguan, au sud de la Colombie [entre 1998 et 2002]. Notre élan militaire était fort avant le Caguan, et nous avions réussi à occasionner de grandes défaites à l’ennemi. Lors de ces dialogues, nous avons fait confiance, et quand ils ont été rompus, l’ennemi a lancé l’assaut avec une grande force puisqu’il s’était préparé à la guerre. C’était au moment de ce qu’on a appelé le Plan Colombie, dirigé et armé par les gringos sous le prétexte de la guerre au narcotrafic, mais pour en finir avec nous, en fait. Mais on s’adapte aux nouvelles tactiques et aux stratégies de l’ennemi. Après chaque combat ou bombardement, nous en faisons l’analyse pour décider de la façon de répondre et d’avancer. »

De ce que je perçois, c’est que les FARC-EP sont bien conscients que ces négociations doivent compter sur la mobilisation de la population et des organisations sociales de la Colombie. Ils savent, également, qu’ils doivent élargir leurs appuis à l’international.  À ces deux niveaux, ils agissent à travers leurs communiqués de presse et le relais qu’en donnent les médias d’information alternative, TeleSURtv.net.  et les mouvements pour la paix en Colombie et dans le monde.

Le plus que dureront ces échanges, le mieux ce sera pour la consolidation des appuis populaires et la mobilisation sociale.

Pour les FARC-EP, le temps est venu de passer de la clandestinité et des armes à l’engagement politique à travers les organisations déjà mobilisées en ce sens.

Une histoire à suivre et à mieux comprendre. Pour ceux et celles qui pensent que la violence en Colombie est prioritairement due au conflit armé, je vous transmets les données suivantes :

 « Les chiffres officiels sont
70 % des violences (homicides, déplacements forcés, etc..) sont dues aux paramilitaires 
20 %  sont dues aux guerrillas, Farc et Eln 
10 %  sont dues aux forces policières et à l’armée nationale. En fait, les paramilitaires sont au premier rang. »

Je termine avec cette déclaration conjointe du roi Abdala II de Jordanie et du pape François , au sujet du conflit en Syrie, lors de leur rencontre au Vatican, jeudi, le 29 août. (traduction de l’auteur)
 « La voie du dialogue et de la négociation entre toutes les composantes de la société syrienne, avec l’appui de la communauté internationale, est l’unique option pour mettre fin au conflit et à la violence qui cause chaque jour la mort d’autant de vies humaines, surtout parmi la population la plus fragile. »
Cette approche devrait être la même pour le règlement du conflit en Colombie: toutes les composantes de la société avec l'appui de la communauté internationale.
Nouvelle de dernière heure : Le président de Colombie, Juan Manuel Santos, se dit disposer à initier un dialogue de paix avec l’Armée de Libération Nationale (ELN), qui ne participait pas aux négociations de paix impliquant les FARC-EP.


Oscar Fortin
Québec, le 27 août 2013-08-27

Quelques liens vous permettant d’élargir votre compréhension de ce conflit ainsi que celui du processus de paix. Le premier lien est la compilation de ce qui s’est publié sur le site Le Grand soir. Un site sérieux, assurant une information alternative basée souvent sur des articles publiés en espagnol et traduits, pour nous, en français.





http://www.zonebourse.com/actualite-bourse/Les-Farc-font-la-pause-dans-les-negociations-de-paix-en-Colombie--17212065/

mardi 13 août 2013

L’ÉQUATEUR AVEC RAFAEL CORREA





L’ÉQUATEUR, pays de l’Amérique du Sud,  comptant environ 15 millions d’habitants, aura été, jusqu’à l’arrivée de RAFAEL CORREA, l’arrière cour des États-Unis. Ces derniers contrôlaient les pouvoirs de l’État à travers la corruption de ses principaux dirigeants. En 1999, ils y établissaient une des plus importantes bases militaires de l’Amérique du Sud, avec plein pouvoir et immunité pour ses ressortissants.

Lorsque le jeune économiste, Rafael Correa, se présente à l’élection présidentielle de 2006, il a déjà à son programme la fermeture de cette base militaire. Aux cris d’abois des autorités étasuniennes, il répond en leur demandant d’offrir à l’Équateur la réciprocité en lui permettant d’ouvrir une base militaire équatorienne en Floride. La réciprocité ne faisant pas partie des alternatives, le jeune président Correa, vainqueur à l’élection de novembre 2006, ne modifiera pas son approche ni sur la base militaire, ni sur son engagement de soumettre au peuple une nouvelle constitution, indispensable pour les suites à donner à l’ensemble de ses engagements.

CORREA PASSE À L’ATTAQUE

Dès 2007, un projet de nouvelle constitution est élaboré. Il sera soumis au peuple qui le sanctionnera, par référendum en septembre 2008. Sur 80 % des suffrages exprimés, le oui pour la nouvelle constitution obtient 64 %.

Comme prévu, le président Correa annonce la tenue d’élections présidentielles et législatives, conformément à cette nouvelle constitution, pour avril 2009. Élu au premier tour, il passe au second niveau de son plan de transformation de l’Équateur en un pays indépendant avec une économie et les richesses orientées prioritairement au service du bien commun de la collectivité. Lors de cette dernière élection, il s’était positionné en faveur du « socialisme du XXIe s. », développé par Hugo Chavez du Venezuela et Évo Morales de la Bolivie.


Fermeture de la base militaire étasunienne

Dans la nouvelle constitution, il y a un article qui interdit toute base militaire étrangère sur le territoire national. Dès 2009, année prévue pour le renouvellement de l’entente sur cette présence militaire, le président Correa informe les principaux intéressés qu’il ne renouvèlera pas cette dernière. Ces derniers doivent donc plier bagage et retourner sur d’autres terres.





Correa s’en prend au FMI et à la dette

En 2008, le jeune président de l’Équateur se démarque en prenant la décision de ne plus payer la part illégitime de la dette publique et de suspendre le remboursement des titres de la dette. Cette part illégitime de la dette a été fixée à 70 % de la dette totale. Correa a pu faire la démonstration que cette part de la dette n’était pas celle du peuple et que ce dernier n’avait pas à la payer. Sadek Hadjeres nous décrit dans un article fort intéressant la trame de ce combat.

Correa contre Chevron et Texaco

Il s’agit de l’histoire d’un long combat des communautés indigènes locales contre les multinationales Texaco et Chevron. Correa, en 2009, annonce la possibilité, à certaines conditions, de cesser la production de pétrole dans le pays pour le bien de l’humanité. Il a également, depuis longtemps, apporté son soutien aux communautés indigènes contre ces deux multinationales.

« C’est en mai 2003, 10 ans après la première plainte déposée contre Texaco, que l’entreprise Chevron [3] a dû se soumettre à la justice équatorienne, à Lago Agrío, et en répondre à plus de 80 communautés touchées par cette catastrophe qui n’a rien de naturel, dont 30.000 victimes. Depuis lors, les parties civiles demandent la réparation de la zone affectée qui s’élèverait selon des experts internationaux à plus de 6 milliards de dollars. Le géant pétrolier réplique qu’il a déjà procédé entre 1996 et 1998 à la réhabilitation de cette zone, ce qui a été démenti par des prélèvements effectués par la suite. »

Un jugement sera rendu le 14 février 2011, condamnant Chevron à payer 9 milliards $ en compensation pour les dommages causés. Ce jugement, porté en appel, a été maintenu avec, en plus, l’obligation, pour Chevron, de présenter ses excuses, faute de quoi, la pénalité serait doublée.  

Depuis, Chevron dépense des millions de dollars pour discréditer l’Équateur et son président. Ici, un article récent à lire au complet pour comprendre l’ensemble de cette « saga ».  

Ces actions de Correa ne sont pas étrangères à la tentative de coup d’État, dont il fut victime en 2010.


Correa et les médias

D’abord le mensonge médiatique sur Correa. Ce n’est un secret pour personne le fait que les principaux médias du pays sont entre les mains d’oligarchies puissantes. Leur politique éditoriale est évidemment contre Correa, ses politiques et son gouvernement. Tous les moyens sont bons pour le discréditer.

« La saga découle d’un article publié par El Universo, le 5 février 2011, écrit par Emilio Palacio et intitulé « Non aux mensonges ». Le journal a ensuite été poursuivi pour diffamation par Correa.

L’article présentait le compte-rendu de Palacio sur les événements dramatiques du 30 septembre 2010, lorsque Correa a été pris en otage par des policiers rebelles à l’intérieur d’un hôpital militaire pendant neuf heures. L’Union des Nations d’Amérique du Sud (UNASUR), qui regroupe 12 pays d’Amérique du Sud, a qualifié ces événements de tentative de coup d’Etat.

Dans le récit de Palacio publié dans El Universo, celui-ci désigne Correa comme le responsable de l’effusion de sang, qui a fait huit morts et plus de 200 blessés dans tout le pays. Il a accusé Correa d’avoir donné l’ordre d’ouvrir le feu sur l’hôpital où il était détenu en captivité, le qualifiant de crime de « lèse humanité » : le terme est une insulte à connotation raciste dans les Andes qui signifie grossier, stupide et inférieur. »

Or, le président Correa, profondément offensé par un mensonge aussi grossier et monté de toutes pièces, intente une poursuite contre le journaliste et le média.

« Sans surprise, Palacio et El Universo ont été reconnus coupables de diffamation. Mais la diffamation en Équateur est encore une infraction pénale, alors Palacio et deux directeurs du journal ont été condamnés à trois ans de prison (par un tribunal et non par Correa).

« En fait, Correa les a graciés - aucun journaliste n’a été emprisonné sous son gouvernement au pouvoir depuis sept ans. Toutefois, la loi (qui est antérieure à Correa) a un besoin urgent d’être réformée. »

Puis un referendum sur les médias de communication. Le 7 mai 2011, un référendum populaire confirme la nouvelle loi qui encadrera dorénavant les objectifs de l’information et ceux de la protection du droit à la vérité des citoyens et des citoyennes. Le « oui » l’emporta avec plus de 61 % des votes.

Correa reporté au pouvoir pour un second mandat

Le 17 février 2013, c’est jour d’élection présidentielle en Équateur. Rafael Correa se présente pour la troisième fois. En dépit des dizaines de millions de dollars investis et des complots mis en place pour éliminer le candidat Correa, ce dernier remporta l’élection haut la main, au premier tour,  avec 56,7 %.  Un sondage, réalisé en février dernier, lui accorde un appui de plus de 72 % de la population qui est en accord avec sa gestion et ses politiques.

Correa avec le pape François


Je ne sais si son prénom angélique, Rafael, y est pour quelque chose, mais la chimie a vraisemblablement passé entre les deux hommes. Il faut dire que ce jeune président a été élevé et a grandi dans la foi chrétienne et s’est engagé à fond dans les divers mouvements sociaux d’inspiration chrétienne. Ce qui a fait dire à certains qu’avec Correa c’est la théologie de libération qui arrive au pouvoir. Sur ce plan, une histoire semblable à celle de Chavez, profondément croyant, qui portait également dans son prénom  celui de  Rafael».


Le pape François au président Correa : « je vous vois comme une laitue fraîche »

Conclusion

Je termine ainsi cette série d’articles sur certains pays émergents de l’Amérique latine (Brésil, Argentine, Venezuela,  Bolivie et Équateur) sous le thème de "L'Amérique latine à la croisée des chemins". Je souhaite qu’ils aient donné le goût de poursuivre dans l’analyse et la connaissance de ce qui se passe dans « l’arrière-cour » des États-Unis. Des peuples se lèvent et nous ouvrent la voie vers un monde nouveau, un monde où les mots justice, vérité, respect, solidarité, compassion prennent également un sens nouveau, le sens qu’ils auraient toujours dû avoir.

Rafael Correa, Hugo Gabriel Chavez et Evo Morales sont des fers de lance qui ouvrent la voie à une nouvelle manière de faire de la politique, de servir les intérêts des peuples. La démocratie participative et le socialisme du XXIe s. en sont les principales références.

Merci de m’avoir lu jusqu’à la fin.

Oscar Fortin



Pour en savoir plus sur ce jeune président :



Ses influences humanistes et chrétiennes



Rafael